Paroles à l'étude
Pa ralé asi kòd'la
Ne tire pas sur la corde
San sav sa ki an bout'la
Sans savoir ce qu'il y a au bout
Ni an lè pou konparézon
Il y a un temps de la curiosité
Men yenyen pa ni sézon
Mais pas de saisons pour les moucherons
Es ou sa ba landòmi
Sais-tu endormir
Volkan'a ki paré vonmi?
Le volcan qui s'apprête à vomir
Prangad pou ou pa nenyen
Veille à ne pas te noyer
Padavré ou pa bizwen lwen
Car tu n'as pas besoin d'être loin
Sa fasil apré ou ba'y do
C'est possible qu'après lui avoir tourné le dos
Pran rivanch kriyé'y bouwo
qu'elle prenne sa revanche,
Manniè tanbou'a ka woulé
De la même façon que tambour résonne
Menm manniè lanmè pé lévé
la mer peut se déchaîner
Elijié a'fòs ralé'y, i pran'y monté
Excédée à force de le tirer, elle l'a emporté
Lanmé a mové, lanmè lévé mové
La mer est déchaînée, la mer s'est déchaînée
Ou ka konté dola
Tu comptes les billets
Toupandan manmay'ou labatwa
Alors que tes enfants sont à l'abattoir
Di'mwen ki pri pou lavi'a
Dis-moi quel est le prix de la vie
Lè respé ka mò asou branka
Lorsque le respect meurt sur les brancards
Sa ki anwo pa janmen pran wotè
Ceux qui sont au sommet ne se sont jamais élévés
Fos séré an fondòk lanmizè
La Force se cache dans les profondeurs de la misère
Lajan kanni adan djòl ritjen
L'argent moisit alors dans la gueule du requin
Ki sanfouté tala mò fen
qui s'en fichait que celui-là meurt de faim
Lanmè'a mové, lanmè lévé mové
La mer est déchaînée, la mer s'est déchaînée
Tala di sé li ki sovè
Celui-là a dit qu'il est le sauveur
Mès makak anlè do lapriyè
Les pires bassesses sur le dos de la prière
É tout moun'lan ka limen bouji
Et tout le monde allume des bougies
Pou fidji'yo pa janmen griji
Pour que leurs visages ne s'écorchent jamais
Jòdi sa ki ni sé manti
Aujourd'hui, il n'y a rien d'autre que le mensonge
Mé nou ka pri adan kon brèbi
Mais nous tombons dans le panneau comme des brebis
Prangad lanmè'a pa lévé
Veille à ce que la mer ne monte pas
Pas ou jwé lavi a-w kon grenn-dé
Car tu as joué ta vie comme un dé
Lanmè a mové, Lanmè lévé mové
La mer est déchaînée, la mer s'est déchaînée
Ou ka konté dola
Tu comptes les billets
Toupandan manmay-ou labatwa
Alors que tes enfants sont à l'abattoir
Di'mwen ki pri pou lavi'a
Dis-moi quel est le prix de la vie
Lè respé ka mò asou branka
Lorsque le respect meurt sur les brancards
Sa ki anwo pa janmen pran wotè
Ceux qui sont au sommet ne se sont jamais élévés
Fos séré an fondòk lanmizè
La Force se cache dans les profondeurs de la misère
Lajan kanni adan djòl ritjen
L'argent moisit alors dans la gueule du requin
Ki sanfouté tala mò fen
qui s'en fichait que celui-là meurt de faim
Étude de texte : Lanmè mové
Thèmes principaux :
Le danger de l'insouciance :
Le texte débute par un avertissement clair : « Ne tire pas sur la corde / Sans savoir ce qu'il y a au bout. » Cette image symbolise les risques de l'imprudence et de l'ignorance face aux conséquences de nos actions. La corde devient une métaphore de la curiosité dangereuse ou de l'engagement irréfléchi.
La force de la nature :
La mer et le volcan sont des symboles récurrents de forces naturelles puissantes et imprévisibles. La mer, décrite comme « déchaînée », et le volcan « qui s'apprête à vomir » représentent des colères sourdes qui peuvent exploser à tout moment, rappelant la fragilité humaine face à la nature.
La dénonciation sociale :
Le texte critique les inégalités sociales et économiques :
Les riches, comparés à des requins, accumulent de l'argent (« Lajan kanni adan djòl ritjen ») alors que d'autres meurent de faim.
L'irresponsabilité des puissants (« Sa ki anwo pa janmen pran wotè ») contraste avec la souffrance des opprimés, « La force se cache dans les profondeurs de la misère. »
La spiritualité et l'hypocrisie :
L'évocation des bougies et de la prière (« mès makak anlè do lapriyè ») semble dénoncer une hypocrisie religieuse ou une foi manipulée, où des gestes pieux masquent des intentions égoïstes ou vaines.
Le cycle de violence et de revanche :
L'image de la mer « prenant sa revanche » souligne un cycle inévitable de retour des choses. Le texte semble avertir que les déséquilibres et injustices finissent par provoquer des retours violents.
Figures de style :
Métaphores et allégories :
La corde (« kòd-la ») : Symbole de lien ou d'engagement.
Le volcan et la mer : Manifestations des colères latentes ou des forces inexorables.
« Fos séré an fondòk lanmizè » : L'idée que la véritable force réside chez ceux qui souffrent.
Répétition :
« Lanmè a mové, lanmè lévé mové » : L'insistance sur la montée de la mer renforce l'idée de danger inévitable.
Le refrain structure le texte, créant une rythmique proche de la chanson ou du poème chanté.
Opposition et contraste :
Richesse vs misère (« Lajan kanni… »).
Vérité vs mensonge (« Sa ki ni sé manti… »).
Puissance naturelle vs faiblesse humaine.
Questions rhétoriques :
« Di'mwen ki pri pou lavi-a ? » La question interpelle directement le lecteur ou l'auditeur, provoquant une réflexion sur la valeur de la vie face à des priorités dévoyées.
Personnification :
La mer est animée, décrite comme capable de colère et de vengeance, un agent actif dans le texte.
Contexte culturel et linguistique :
Le texte est écrit en créole, une langue profondément liée aux cultures orales et aux traditions populaires des Caraïbes, notamment la Martinique et la Guadeloupe. Cette langue porte souvent une charge émotionnelle et culturelle forte, car elle est à la fois le véhicule d’une identité résistante et un moyen d’expression poétique.
Le recours au créole enrichit le texte d’une musicalité particulière. La répétition du refrain et les images évocatrices s’inscrivent dans une tradition orale où la poésie, la chanson, et le conte jouent un rôle crucial dans la transmission des idées.
Interprétation globale :
Ce texte est une puissante mise en garde contre l’insouciance, l’avidité, et l’hypocrisie. En mêlant observations sociales et réflexions sur les forces naturelles et spirituelles, il invite à une prise de conscience collective face aux déséquilibres humains et environnementaux.
La mer et le volcan, omniprésents, symbolisent une colère qui gronde, prête à exploser. Les inégalités et la négligence de ceux au sommet apparaissent comme les déclencheurs de ce chaos. Enfin, l’appel à la vigilance (« Prangad lanmè-a pa lévé ») montre qu’il est encore possible d’agir pour éviter la catastrophe.
Ce texte résonne comme un appel à la responsabilité individuelle et collective, dans une lutte entre la destruction et l’espoir.
Analyse linéaire :
1. Pa ralé asi kòd-la
"Ne tire pas sur la corde / Sans savoir ce qu'il y a au bout"
Cette ouverture évoque l'idée d'une action irréfléchie qui peut déclencher des conséquences graves. En contexte de guerre, cela peut symboliser un conflit commencé sans évaluer les dégâts qu'il peut causer. L’image de la corde suggère aussi une tension latente, une situation prête à exploser.
2. Ni an lè pou konparézon / Men yenyen pa ni sézon
"Il y a un temps de la curiosité / Mais pas de saisons pour les moucherons"
Cette opposition montre la fragilité face aux forces incontrôlées, comme les petits soldats (comparés à des moucherons) dans une guerre. Leur vie n’a pas de saison ou de valeur pour ceux qui tirent les ficelles des conflits.
3. Es ou sa ba landòmi / Volkan-a ki paré vonmi ?
"Sais-tu endormir / Le volcan qui s'apprête à vomir ?"
Le volcan personnifie une colère accumulée ou une situation explosive, prête à éclater comme une guerre. Il peut aussi symboliser une population opprimée, prête à se révolter.
4. Prangad pou ou pa nenyen / Padavré ou pa bizwen lwen
"Veille à ne pas te noyer / Car tu n'as pas besoin d'être loin"
Cette mise en garde peut être vue comme un appel à éviter de sombrer dans les conséquences de la guerre, qui peut frapper de près sans avoir besoin de se trouver au front.
5. Sa fasil apré ou ba'y do / Pran rivanch kriyé'y bouwo
"C'est possible qu'après lui avoir tourné le dos / Qu'elle prenne sa revanche"
L’idée de revanche évoque une escalade dans les conflits. La guerre est ici décrite comme un cycle de vengeance, où les actions négligentes ou cruelles d’un côté entraînent des représailles.
6. Manniè tanbou-a ka woulé / Menm manniè lanmè pé lévé
"De la même façon que le tambour résonne / La mer peut se déchaîner"
Le tambour est souvent un symbole de rassemblement dans les guerres, annonçant les batailles. Comparé à la mer qui se déchaîne, il montre comment une situation peut rapidement dégénérer en chaos.
7. Elijié afòs ralé, i pran'y monté
"Exédée à force de tirer, elle l'a pris et est montée"
L’image d’une force qui monte illustre une escalade inévitable. Cela peut représenter une guerre qui éclate après une accumulation de tensions politiques, sociales ou militaires.
8. Lanmé a mové, lanmè lévé mové
"La mer est déchaînée, la mer s'est déchaînée"
Le refrain insiste sur le désordre et le chaos, comparables aux ravages d’une guerre. La mer devient une allégorie de la destruction, inarrêtable une fois qu’elle s’est levée.
9. Ou ka konté dola / Toupandan manmay-ou labatwa
"Tu comptes tes billets / Alors que tes enfants sont à l'abattoir"
Cette critique sociale dénonce ceux qui profitent de la guerre (symbolisés par les "billets") pendant que d’autres, notamment les jeunes, sont sacrifiés sur le champ de bataille. L’abattoir renforce l’idée de massacre et d’indifférence des puissants.
10. Di'mwen ki pri pou lavi-a / Lè respé ka mò asou branka
"Dis-moi quel est le prix de la vie / Lorsque le respect meurt sur les brancards"
Ici, l’image des brancards évoque directement les victimes de guerre, les blessés ou les morts. La question rhétorique interroge sur la valeur de la vie dans un monde où les guerres détruisent toute humanité.
11. Sa ki anwo pa janmen pran wotè / Fos séré an fondòk lanmizè
"Ceux qui sont au sommet ne se sont jamais élevés / La Force se cache dans les profondeurs de la misère"
Cette critique des élites met en lumière l’écart entre ceux qui dirigent les guerres (sans prendre de risques) et ceux qui les subissent, souvent les plus démunis.
12. Lajan kanni adan djòl ritjen / Ki sanfouté tala mò fen
"L'argent moisit dans la gueule du requin / Qui, ne se souciant de rien, mourut de faim"
Le requin, un prédateur, symbolise les profiteurs de guerre. Leur avidité finit par les détruire eux-mêmes, montrant que même les puissants ne sont pas à l’abri des conséquences d’une guerre.
13. Tala di sé li ki sové / Mès makak anlè do lapriyè
"Celui-là a dit que c'est lui qui est sauvé / Les pires bassesses sur le dos de la prière"
Ces vers dénoncent l’hypocrisie des discours qui justifient la guerre au nom de principes religieux ou moraux, souvent pour cacher des intérêts égoïstes.
14. É tout moun-lan ka limen bouji / Pou fidji'yo pa janmen griji
"Et tout le monde allume des bougies / Pour que leurs visages ne s'écorchent jamais"
Cette scène symbolique pourrait représenter une tentative désespérée de paix ou de prière pour éviter la guerre, même si les intentions restent superficielles.
15. Jòdi sa ki ni sé manti / Mé nou ka pri adan kon brèbi
"Aujourd'hui, il n'y a rien d'autre que le mensonge / Mais nous tombons dans le panneau comme des brebis"
Ces lignes dénoncent la manipulation et la crédulité des populations face aux propagandes de guerre.
16. Prangad lanmè-a pa lévé / Pas ou jwé lavi a-w kon grenn-dé
"Veille à ce que la mer ne monte pas / Car tu as joué ta vie comme un dé"
La guerre est comparée à un pari risqué, un jeu d’argent où la mise est la vie humaine. L’avertissement final appelle à éviter ce chaos.
Conclusion
Cette chanson utilise des métaphores puissantes (la mer, le volcan, le tambour) pour évoquer les dangers et les ravages de la guerre. Elle critique les inégalités sociales et les manipulations politiques qui conduisent les populations à des massacres inutiles. À travers un mélange de poésie et de dénonciation, le texte met en garde contre les conséquences des conflits tout en appelant à une vigilance collective pour éviter ces tragédies.